Saisir l’imaginaire du passant pour un sujet aussi actuel que la Data, mais aussi opaque au premier abord : c’est le défi que je me suis lancé, dictaphone à la main, un plateau d’échecs sous le bras – pour peu que l’on puisse discuter en jouant.
Par Arnaud Galea, stagiaire chargé d’étude en approche pédagogique inclusive chez leChaudron.io.
Pour récolter les avis, je me cantonne à la question « Qu’est ce que le mot ‘donnée informatique’ vous évoque ? », je laisse ensuite les gens s’exprimer, et demande quelquefois de me préciser le terme qu’ils ont cité. Je les préviens de l’anonymisation des réponses, et de l’objectif, je fais fi volontairement des parcours de chacun. Ce qui m’intéresse : saisir des imaginaires sur l’instant, avoir des approches diverses de la question et vous les exposer. L’objectif n’est pas à la catégorisation.
Je commence ma journée par une partie d’échecs à Graslin, après quelques coups je pose la question à mon adversaire : « Tiens, qu’est-ce qu’il te vient en tête si je te dis le mot ‘donnée informatique’ ?« . Il hésite quelque temps, faisant mine de ne pas saisir la question, puis tente de retrouver son avis. Il y parvient. « La cybersécurité… comment les entreprises protègent nos données… Parce que lorsque mes données sont stockées, elles doivent être en sécurité« . Les data centers évoquent des mines d’or à protéger face à l’intrusion de malintentionnés.
Il continue, « Et puis le cloud, c’est beau, plus besoin de support physique, mes données sont avec moi, tout le temps« . Intéressant, je me questionne tout de même : certes, le support n’est pas dans notre poche, mais elles doivent bien être quelque part, ces données. Ne sont-elles pas stockées dans ces data centers, dont il souhaite la mise en sécurité ? Cette partie d’échecs m’offre une belle entrée en matière au niveau Data, mais se solde sur un mat. Mince.
Je reste aux alentours de la Place Royale, et glisse ma question à des passants, des mots fusent, des concepts larges sont évoqués, rarement étayés, « Big Data », « surveillance », « Big Brother », la tendance est à la méfiance.
Un incendie et des cookies
Je me dirige vers le Jardin des plantes. Ici, à l’évocation du mot, c’est OVH un hébergeur de données et de sites web qui fait parler, trois personnes sur la dizaine que j’ai croisées me parlent de ces entrepôts d’OVH qui ont brûlé début mars, rendant indisponibles près de 3,6 millions de sites web. On entrevoit la partie concrète de la donnée informatique.
Un promeneur me parle d’archivage, ou comment bien ordonner nos données pour qu’elles puissent être entreposées de manière qualitative et ainsi être utilisées dans le futur, un élément « crucial » me dit-il. Deux personnes croisées ensemble me parlent de cookies, la première personne me confie : « C’est une plaie sur les sites ça, je dois toujours accepter, et en plus je ne sais même pas ce que j’accepte, autant pas me dire, franchement !« , la seconde personne réplique, un peu plus optimiste : « C’est quelque chose d’embêtant c’est vrai … mais derrière ça il y a de bonnes choses, c’est pour les utilisateurs cette démarche, c’est le RGPD qui oblige à nous prévenir, je crois. Là on sait si on veut savoir. Mais combien de personnes prennent-elles le temps de lire, aussi ?« . Cette liste de cookies à l’ouverture de chaque site est-elle une bonne manière de nous permettre de gérer nos données ?
Je m’aperçois de la diversité des sujets abordés. Pascal Plantard dans Pour en finir avec la fracture numérique (FYP Éditions) écrit que ce sont les usages et les expériences au contact des objets technologiques faites par chacun qui forment ces imaginaires si personnels. À chacun son usage, à chacun son imaginaire. La data étant si opaque actuellement, ces différences sont encore plus marquées.
En tout cas, l’idée de protéger son identité numérique était omniprésente parmi les personnes interrogées aujourd’hui. Rassurant.
Je vous donne rendez-vous dans un mois pour la suite de ces déambulations.